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lundi 8 février 2010

ACTA : le traité secret qui pourrait changer la face d’internet

Quoi de mieux, pour illustrer les atouts du copyleft sur la clôture des espaces numériques, transformés en champs grillagés et en terrains barbelés, que de "pirater" en toute légalité un article sur l'ACTA, écrit par Fabrice Epelboin ?

On commence enfin à entendre parler, ici ou là, de ce traité mondial en cours de négociations, dans le plus grand secret comme le fut l'AMI (Accord multilatéral sur l'investissement), qui fut enterré à la dernière minute par la mobilisation d'acteurs vigilants. ACTA, pour "Accord commercial anti-contrefaçon", bien que ce traité multilatéral soit concerné davantage par la défense d'une vision étriquée de la propriété intellectuelle qu'autre chose, HADOPI ressemblant à côté à une blague d'enfants. L'UE n'est pas en reste, elle qui vient de batailler pour inclure la question des brevets dans cet accord, aux côtés du copyright et des marques.

L'existence de ces négociations fut dévoilée, et ce n'est pas un hasard, par Wikileaks, véritable "machine à scoops citoyenne" menacée aujourd'hui d'asphyxie financière.

Entre autres mesures prévues par ce méga-accord d'enclosure du WWW, en vrac:
  • l'imposition de la riposte dite "graduée" (HADOPI)
  • l’autorisation donnée aux douaniers d’effectuer des fouilles des ordinateurs et lecteurs MP3, et de les saisir s’ils contiennent quelque matériel qui semble susceptible d’enfreindre des droits de propriété intellectuelle;
  • des mesures visant à limiter l'usage des médicaments génériques (au passage, le MERCOSUR a tenté en juillet 2009 d'obtenir la levée des brevets sur les vaccins grippe A, mais l'affaire était probablement trop juteuse)
  • la responsabilité des FAI (fournisseurs d'accès internet)
  • l’introduction de nouvelles sanctions criminelles pour les atteintes au droit d’auteur, y compris des sanctions pour des usages d’Internet jusque-là non criminalisés, etc.
Je parasite donc cet article, à moins que je ne m'en fasse l'un de ses vecteurs viraux, et signale en passant la lettre ouverte signée par plus de 80 ONGs (dont la très radicale Reporters sans frontières) contre l'opacité des négociations, publiée sur La Quadrature du net.

défend naturellement le droit d’auteur et de la création sur Internet et s’oppose à toute forme de contrefaçon [mais] ne considère pas que le droit d’auteur et les droits voisins doivent être dotés d’une portée si absolue que leur défense viendrait à remettre en cause les libertés fondamentales par un système déséquilibré et uniquement répressif.

N'oublions pas qui fait quoi?: Europe Ecologie s'est lancé dans la bataille, ainsi que l'eurodéputée Françoise Castex (PS).


jeudi 4 février 2010

Tours et détours de la période de réserve et de la tradition républicaine

Le fonctionnaire lambda a-t-il le droit de participer à la vie publique en période pré-électorale?

L'Inspecteur d'académie d'Evry vient d'envoyer une lettre (datée du 21 janvier) à ses sujets, déclarant qu' "à compter du 8 février 2010 s’ouvre la période dite «
période de réserve » dans la perspective des échéances électorales de mars 2010." En bon pédagogue, il précise sa pensée:
"Deux temps sont prévus : jusqu’au 1er mars, il est demandé d’éviter de participer aux manifestations publiques susceptibles de présenter un caractère pré-électoral, en raison des discussions ou des invités. A compter du 1er mars jusqu’au 21 mars, il faudra s’abstenir de prendre part à toute cérémonie publique.

La « période de réserve » est un usage systématiquement observé par l’administration d’Etat à chaque échéance électorale. Son objet essentiel est de garantir la neutralité de l’Etat et des services publics, et de s’assurer qu’aucun fonctionnaire ne fera usage de sa fonction à des fins de propagande électorale. Cette réserve est également la garantie pour les agents de l’autorité publique de leur éviter, dans le cadre du service, d’être mis en difficulté lors d’une manifestation publique au cours de laquelle pourrait naître une discussion politique."

Les professeurs et autres "enseignants-chercheurs", titularisés ou précaires, n'étant guère habitués à être traités comme des préfets aux ordres, cette nouvelle - répercutée ailleurs - a suscité chez eux quelques interrogations. Autant dire que cet "usage systématiquement observé" le sera d'autant plus que l'administration s'efforce de rappeler à ses ouailles cette tradition républicaine qui ne souffre pas d'exception.

Aucune? Ici ou là un îlot d'irréductibles?... Concernant la "période de réserve" des préfets, certes astreints à davantage de retenue dans l'exercice de leurs fonctions que les vulgaires profs malmenés par le réchauffement climatique - totalement indépendant, comme chacun sait, des comportements humains -, le sénateur Louis Doubet réclamait déjà, le 4 juillet 2002, lors d'une question au gouvernement, des éclaircissements concernant la possibilité, tout de même, d'accorder à ces loyaux serviteurs de l'Etat une exemption pour la participation aux commémorations de la Seconde guerre mondiale. "Une telle présence, rappelait-il, sans prise de parole [l'insolence a ses limites], ne remettrait pas en cause l'économie générale d'une construction jurisprudentielle, il est vrai reprise en 1983 dans le statut de la fonction publique par la loi Le Pors n°83-364 du 13 juillet 1989."

Ouf! La paix et l'honneur des morts ne sera pas entamé par le tumulte de la vie électorale et démocratique... qui venait de réussir à faire élire, avec plus de 80% des voix, le plus grand démocrate de France, avec l'appoint des voix soudées par l'heureux réflexe républicain. Participez, ne participez pas... les mots d'ordre définissant ce que constitue un comportement civique ont une tendance sûre à changer régulièrement de pôle magnétique.

Trois ans plus tard, rebelotte! C'est cette fois le (quasi)-rescapé de Clearstream qui, alors Premier flic de France, ordonne, le 18 mars 2005, aux "2,6 millions d’agents de l’État" de respecter une "période de réserve" en s'abstenant, du 16 à 29 mai, de "participer, dans l'exercice de leurs fonctions, à des cérémonies publiques ou à des manifestations auxquelles ils pourraient être conviés."

Dans "l'exercice de leurs fonctions", mention que la préfecture du Nord avait oubliée au passage, comme le signalait alors L'Humanité, qui dans le même temps rapportait les réactions unanimes des syndicats (CGT, FO, FSU) s'indignant de cette limitation stricte de la liberté d'expression et de la participation civique des fonctionnaires à la vie publique de leur pays, et soulignant l'absence de fondement juridique de celle-ci, l'UGFF-CGT se fendant d'un courrier agacé au ministère. La lettre des maires, plus conciliante, soulignait que cette « période de réserve » ne s'applique pas formellement aux fonctionnaires territoriaux mais que les habitudes républicaines incitent au même type de réserve.

Rien ne vaut en effet le rappel aux "habitudes" et autres "réflexes" et "traditions républicaines" pour empêcher aux fonctionnaires de participer à la vie publique de la cité, comme tout un citoyen, lorsque le cadre juridique républicain a depuis longtemps entériné le fait que, somme toute, les fonctionnaires ont aussi le droit d'être autre chose que de simples rouages de la machine, fût-elle démocratique, et qu'ils sont habilités à parler et agir dans l'espace public - en dehors de "l'exercice de leurs fonctions", bien entendu, comme l'écrivait déjà Weber et, avant lui, un certain Emmanuel. Hasard du calendrier? Le 27 janvier, le consul de France à New York organisait un débat intitulé "Islam et identité nationale en France", sans doute afin d'éviter que, dans le cadre de son service, il soit "mis en difficulté lors d'une manifestation publique au cours de laquelle pourrait naître une discussion politique."

mercredi 3 février 2010

Ketum gel: droit, santé et dollars

Qu'est-ce qui prime le plus, la santé des individus ou le bien-être des entreprises?...

Le Conseil d'Etat a sa petite idée: saisi par les laboratoires Menarini d'un référé, il a suspendu - en attendant de juger sur le fond - la décision de l'AFSSAPS de décembre 2009 de retirer l'AMM (autorisation de mise sur le marché) du Ketum gel, par une ordonnance du 26 janvier 2010. Ceci pour - entre autres - des motifs... économiques!

La décision de l'AFSSAPS était motivée par des effets secondaires (photoallergie), provenant apparemment d'une mauvaise utilisation du médicament; l'ajout d'un pictogramme1 pour avertir le patient n'avait pas suffit à éviter celle-ci (en gros, il ne faut pas s'exposer au soleil ni utiliser des crèmes sur la superficie traitée, ce qui n'est pas, dirait mon médecin, sorcier).

Le Figaro, célèbre quotidien altermondialiste, remarque que "même s'il s'agit d'une décision provisoire, de nombreux experts s'inquiètent de voir qu'une décision du Conseil d'État puisse prévaloir en matière de sécurité des médicaments sur celle prise par l'Afssaps, sur la base d'un argumentaire… économique."
Le Conseil des sages a en effet indiqué parmi ses motifs non seulement la non-remise en cause par l'AFSSAPS du ratio bénéfices-risques du gel, et le faible taux d'effets secondaires (quelques dizaines pour des millions d'utilisateurs, qui plus est attribuable à une mésutilisation du produit), mais aussi le fait que le Ketum gel constituait le deuxième chiffre des laboratoires Menarini.

En attendant de juger sur le fond, et vu les dommages économiques infligés à Menarini, le Conseil d'Etat... effectue un jugement de fond (considérations sur l'efficacité du médoc et ses risques) et balance la précaution par la fenêtre, pour raisons économiques.

On comprend que Le Figaro adopte une tournure de phrase altermondialiste, ce qui suscite l'exaspération d'une avocate, Catherine Taurand, qui s'indigne du communiqué de l'AFSSAPS, "d’autant plus grave qu’une certaine presse n’hésite pas elle-même à dénaturer les termes de cette affaire qu’elle ne comprend manifestement pas."
Qu'a donc de scandaleux ce communiqué de l'AFSSAPS ? Il rappelle "l’efficacité faible à modérée de ces médicaments et de l’existence d’alternatives thérapeutiques", soulignant par ailleurs qu'il ne s'agit pas d'un jugement sur le fond, et que "cette ordonnance ne préjuge pas de l’issue dans le courant du 1e semestre 2010 de la réévaluation communautaire en cours."

Que pense le péquin moyen de cette affaire, dont nous faisons partie ?

Sans préjuger des qualités et risques de ce médicament, ni des comportements aventureux des adeptes de bronzage et de moonbathing, on remarque, comme le font la plupart des bloggers, le Figaro, mais qu'évite soigneusement de le faire notre avocate, que cette décision a eu la maladresse d'invoquer un motif économique pour justifier une AMM. Ce qui, effectivement, ne peut que renforcer le sentiment de Les Mots ont un sens, selon lequel "que vaut la santé de quelques uns, au regard des profits de l'industrie pharmaceutique ? Rien, pour le Conseil d'Etat."
Et malheureusement pour eux, médecins et avocats pourront se réfugier devant leurs compétences expertes et invoquer l'autorité de la Science, fût-elle celle des labyrinthes de la jurisprudence, rien n'ôtera de la tête du pékin moyen que l'Etat s'occupe plus de dollars que de santé, sauf quand il réussit à combiner les deux... 

Faites vos jeux

2010... en considérant le temps mis avant d'avoir un téléphone portable, c'est peut-être pas trop tard pour ouvrir un blog, afin de partager les perspectives par lesquelles j'aborde le Net.

Expérience, donc, à visée coopérative, qui vise à traiter les grands thèmes de l'Actu à gauche, terme par lequel j'inclus à peu près tout, et j'exclus à peu près tout : en gros, on ne délibérera pas ici des dernières frasques de Nicolas & Ségolène, ni - sauf exceptions - de tout ce qui fait les gros titres du JT. Pour ça, y a la presse, la télé, et le bistrot, virtuel ou avec un zinc bien réel...

Non, plutôt ici s'intéresser à l'Actu à gauche, c'est-à-dire à celle passée sous silence ou latérale, aux "insolites" (pour parler jargon AFP) qui intéresseront les lecteurs de gauche (voire de droite: une position affichée n'implique pas le sectarisme, et on s'emmerde vite à rester entre soi), aux dernières recherches importantes, articles et bouquins de sciences humaines et sociales (histoire, socio, philo, etc.).

Perspectives sur l'Internet français, mais aussi anglophone & hispanophone (et autres si vous m'apportez des éléments, la sphère lusophone ou italienne peut aussi être abordée). Outre des billets thématiques, une Revue hebdo du Net (voire plus fréquente) indiquera en un billet les infos, sites, articles & autres trouvailles de la semaine sur le world wide web.

Perspectives mêlant les enjeux politiques, sociaux, culturels, technologiques... bref, les grands débats contemporains... Des sans-papiers à la biométrie, de l'Europe à l'Amérique latine, des guerres au féminisme, du droit à la métaphysique, d'Obama aux Tupamaros, des têtes maories aux zoos humains... Rien n'est a priori exclu d'ici, les seules limites étant fixées par le temps et la curiosité, et le seul cadre celui de l'angle politique; la seule convergence, la construction des problèmes et la fabrication du politique.
Faites vos jeux... un blog chaotique, pour une époque qui ne l'est pas moins.