Alors que le gouvernement socialiste (PASOK) de Geórgios Papandréou a déposé un projet de loi prévoyant d'instituer le droit du sol en Grèce, alignant le pays sur les normes européennes, l'extrême-droite hausse la voix. Les garde-côtes ont à nouveau profité de la Fête de l'Indépendance du 25 mars 2010 pour entonner des slogans racistes, suscitant la consternation générale. Le directeur des forces spéciales des Garde-côtes (Λιμενικό Σώμα - Limeniko Soma) a été suspendu, tandis qu'une enquête administrative concernant des liens éventuels avec des groupuscules d'extrême-droite est en cours. Au-delà d'un symptôme du racisme persistant au sein des forces de sécurité grecques, cette affaire soulève la responsabilité de l'Union européenne, qui délègue à ces forces le soin de refouler les migrants de son territoire.
La Grèce fait davantage parler d'elle pour sa dette abyssale (300 milliards d'euros en 2009), à laquelle l'Europe répond en appelant à l'aide le FMI; le mouvement social virulent qui avait eu lieu fin 2008 suite à l'assassinat d'un étudiant, Alexis Grigoropoulos, par la police; ou, dernièrement, plusieurs attentats, certains non revendiqués et d'origine inconnus, d'autres revendiqués par un groupuscule inconnu, prétendument "anarchiste", la "Conspiration des cellules de feu".
Ces derniers n'ont fait aucune victime, mais ont frappé par le choix étrange voire paradoxal d'une de ces cibles, vu de loin en tout cas: prétendant attirer l'attention sur le racisme en Grèce, selon la version officielle, ces attentats, qui ont eu lieu à la mi-mars 2010, ont en effet ciblé non seulement les bureaux d'un parti d'extrême-droite et un centre de la police chargé de l'immigration, mais aussi les locaux d'un responsable pakistanais.
Un mode d'action anti-fasciste singulièrement étonnant, et sans aucun doute d'une bêtise rare! Couvrant l'antifascisme plus raisonné du reste de la gauche, ils n'auront en tout cas pas attiré l'attention de la presse, francophone ou anglophone, sur le racisme bien présent dans ce pays, longtemps fermé à l'immigration comme d'autres pays méditerranéens, notamment l'Espagne franquiste.
Le courant xénophobe se fait en effet sentir alors que le gouvernement socialiste de Geórgios Papandréou a déposé un projet de loi introduisant le droit du sol, qui permettrait d'accorder la nationalité grecque aux enfants nés en Grèce de parents étranger.
Véritable révolution pour ce pays qui accorde la naturalisation au compte-goutte, son Code de la nationalité étant l'un des plus draconiens d'Europe avec celui de l'Autriche (où on sait que l'extrême-droite exerce une certaine influence). Le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg, a souligné à juste titre qu' « ainsi, la Grèce se rapprochera des normes européennes et bénéficiera d’une plus grande participation des personnes d’origine immigrée (sic - on parle d'enfants nés en Grèce) à la vie de la société ». Il faut dire qu'avec celle-ci, la Grèce fait plus que rattraper son retard, puisque la réforme doit accorder la nationalité dès la naissance - en France, il faut attendre la majorité pour l'obtenir, et c'est d'ailleurs ce que suggère de faire le parti de droite, Nouvelle démocratie (ND), qui montre en exemple le triste débat sur "l'identité nationale" enclenché par l'Elysée.
Malgré l'opposition de la droite et d'une quinzaine de députés d'extrême-droite (Laos), un sondage cité par Le Monde semblerait pourtant indiquer que la majorité des Grecs appuie cette réforme. La manifestation d'extrême-droite organisée contre celle-ci, début février, n'a ainsi rassemblé que 500 personnes, moins que les 800 contre-manifestants.
Pourtant, l'extrême-droite semble encore exercer une influence importante au sein des forces de sécurité, trait caractéristique des pays victimes d'une dictature militaire dans le passé (Chili, Argentine, et, bien plus proche de la Grèce, Turquie; l'Italie, qui a connu une "démocratie sous surveillance", n'étant pas non plus en reste). Ainsi, de même qu'en 2007 et 2008, des chants racistes, extrêmement violents, visant particulièrement la minorité albanaise, ont été entonnés lors de la fête de l'Indépendance du 25 mars, par des régiments des forces spéciales des Garde-côtes. Des "perles", style skinhead : "On ne devient pas Grec, on naît Grec" (c'est précisément ce que propose la réforme...) ou "Nous allons verser votre sang, cochons d'Albanais!"
Le gouvernement a immédiatement répliqué à ces chants honteux, diffusés sur You Tube, en démettant de ses fonctions le directeur des forces spéciales des Garde-côtes, tandis que le ministre de la Protection des citoyens, Chrysochoidis, ordonnait une enquête administrative afin d'identifier de possibles liens entre ces agents de l'Etat et des groupuscules d'extrême-droite tels que Chryssi Avgi (Aube dorée).
L'ambassadrice à Skopje, Alexandra Papadopoulo, s'est elle excusée suite aux protestations officielles de la Macédoine, affirmant que cet acte était intolérable, mais ne devrait pas être surinterprété. Elle a aussi prétendu que ces chants n'avaient pas été entonnés par l'armée, mais par des civils. Si les Garde-côtes sont sous contrôle civil en temps de paix, c'est un organisme paramilitaire destiné à appuyer la Marine en cas de conflit. Associated Press souligne bien que les chants émanaient de forces spéciales, habillées de kaki.
Des chants racistes entonnés lors de la parade militaire à Thessalonique du 28 octobre 2008 avaient également provoqué des protestations de Macédoine, le Premier ministre Nikola Gruevski envoyant une lettre à diverses institutions régionales et mondiales (l'ONU, la Communauté européenne, l'OSCE et le Conseil de l'Europe) s'alarmant de ces élans xénophobes.
Les Garde-côtes sont chargés en particulier du contrôle des frontières, leur patron s'étant récemment plaint à son homologue turc de la non-application de l'accord de réadmission (des étrangers refoulés ou expulsés) de 2002. Cela soulève plusieurs questions désagréables: d'une part, à quel point l'institution - les Garde-côtes - et la politique qu'on leur demande d'appliquer influence-t-elle sur le racisme des troupes? D'autre part, et inversement, à quel point le racisme et les convictions d'extrême-droite d'une partie de ces troupes influencent-elles la politique en cours?
Enfin, l'Union européenne n'a-t-elle pas ses responsabilités à prendre, elle qui laisse faire le "sale boulot" aux garde-côtes grecs? Le Guardian a souligné cet aspect, évoquant ce cas où des enfants afghans ont été battus par des garde-côtes grecs, avant d'être renvoyé dans les eaux territoriales turques, en leur supprimant alors leurs rames et en crevant leur bateau gonflable. De surcroît, 98,62% des demandes d'asile ont été rejetées en 2008. Si la politique européenne de répression des migrations et d'externalisation de celle-ci aux pays limitrophes et extérieurs à l'UE ne cesse pas, il est probable que de tels comportements intolérables se perpétuent.
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Associated Press, Un adolescent tué, une femme et une fillette blessées par l'explosion d'une bombe en Grèce, Le Nouvel Observateur, 29 mars 2010
Associated Press, Coast Guards to be Punished, The Hellenic Voice, 30 mars 2010
Gouvernement de Macédoine, Protest note to the Hellenic Republic against the racist slogans chanted at the military parade in Athens, 29 mars 2010 (allusion, également, aux incidents de 2007 et 2008)
Xinhua, Greece apologizes for racist chants, 30 mars 2010, sur Global Times (Chine; déclarations de l'ambassadrice grecque à Skopje)
Yilan, Greek apology for racist chants, blog Turkey-Macedonia, 31 mars 2010
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